Le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, dit « PACTE », a été présenté en Conseil des ministres le 18 juin 2018. L’une de ses mesures phares en matière sociale porte sur les effectifs, avec en particulier le relèvement d’un certain nombre de seuils. Par ailleurs, il vise à simplifier les règles de décompte des effectifs et à limiter les effets de seuil, en étendant le champ des dispositions concernées par l’effectif « sécurité sociale ».
Le projet de loi PACTE, passé en Conseil des ministres le 18 juin 2018, devrait être examiné à compter du mois de septembre à l’Assemblée nationale.
Les seuils sociaux – Des précisions !
Les seuils sociaux représentent les obligations fiscales et sociales qui incombent aux entreprises en fonction de leur nombre de salariés.
Au fur et à mesure qu’une entreprise croît et qu’elle augmente ses effectifs, elle se voit imposer de nouvelles obligations au titre d’un franchissement de seuil.
Il en va ainsi par exemple de l’obligation de payer des cotisations ou contributions sociales supplémentaires.
Il peut s’agir également de l’obligation d’organiser les élections des délégués du personnel lorsque l’entreprise atteint le seuil de 11 salariés, de l’obligation d’établir un règlement intérieur lorsque l’effectif est d’au moins 20 salariés ou de l’obligation d’organiser l’élection du comité d’entreprise (CE) et du comité d’hygiène et de sécurité (CHSCT) et bientôt de CSE (Comité Social Economique) quand l’entreprise franchit le seuil de 50 salariés.
Rationalisation des seuils d’effectif
Le projet de loi prévoit de rationaliser les seuils d’effectif en se fondant sur les niveaux de 11, 50 et 250 salariés.
Le seuil de 20 serait supprimé pour l’application du titre emploi-service entreprise ou du chèque-emploi associatif, lesquels seraient donc ouverts sans condition d’effectif et donc y compris aux employeurs de 20 salariés et plus (c. séc. soc. art. L. 133-5-6).
En revanche, le seuil de 20 salariés serait conservé pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (c. trav. art. L. 5212-4) et les modalités de calcul de la contrepartie obligatoire en repos attachée aux heures supplémentaires (c. trav. art. L. 3121-38).
Dans d’autres cas, le seuil de 20 salariés serait relevé à 50 salariés. Il en serait ainsi pour :
– l’obligation d’établir un règlement intérieur (c. trav. art. L. 1311-2), étant précisé que celle-ci ne s’imposerait que si le seuil de 50 salariés a été atteint durant 12 mois consécutifs (par dérogation au nouveau « délai » de 5 ans) ;
– l’assujettissement à la participation à l’effort de construction (c. constr. et hab. art. L. 313-1) ;
– l’assujettissement à la contribution au FNAL de 0,50 % sur brut total (c. séc. soc. art. L. 834-1).
En outre, le seuil de 200 salariés passeraient à 250 salariés. Il s’agirait des seuils prévus :
– pour l’obligation de mettre à la disposition des sections syndicales un local commun (c. trav. art. L. 2142-8) ;
– pour la communication aux actionnaires des rémunérations versées aux 10 personnes les mieux rémunérées dans les sociétés anonymes (c. com. art. L. 225-115).
Franchissement d’un seuil d’effectif « sécurité sociale »
Le franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif impose de nouvelles obligations aux entreprises, comme vu ci-dessus.
Le projet de loi prévoit d’instituer un mécanisme unifié qui retarde de 5 ans les effets de seuil pour tous les effectifs calculés selon les règles « sécurité sociale ».
Ainsi, le franchissement d’un seuil ne produirait d’effet que si le seuil a été atteint ou dépassé durant 5 années civiles consécutives.
Autrement dit, seules les entreprises s’inscrivant durablement dans un accroissement de leur effectif seraient soumises aux nouvelles obligations qui y sont liées (ou perdraient les avantages en cause).
Par ailleurs, en cas de diminution de l’effectif sur une année la faisant passer en deçà du seuil, l’entreprise qui, par la suite, viendrait à repasser au-dessus du seuil, bénéficierait d’un nouveau « délai » de 5 ans.
Cette précision vise à protéger les entreprises dont l’effectif fluctue des rigueurs de la jurisprudence, comme le montrent plusieurs décisions récentes en matière de versement de transport qui ne prennent en compte que le premier franchissement de seuil.
Ces nouvelles règles seront codifiées au sein du code de la sécurité sociale et concerneront :
– toutes les dispositions de ce code liées à un seuil d’effectif (FNAL de 0,5 %, forfait social sur prévoyance dans les entreprises de 11 salariés et plus, exonération sur 50 embauches en ZRR, seuil de tarification AT, etc.) ;
– une série de seuils prévus dans d’autres codes, mais qui, par renvoi, relèvent déjà de l’effectif « sécurité sociale » (versement de transport, participation construction) ou en relèveront à l’avenir.
Calcul des effectifs : extension du décompte « sécurité sociale »
Le projet de loi harmonise le mode de calcul des effectifs salariés pour toute une série de dispositions relevant de divers codes (code du travail…), en se fondant sur « l’effectif sécurité sociale », jugé plus favorable pour les entreprises (il évite en particulier de prendre en compte les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure).
Pour le cas général, l’effectif salarié annuel de l’entreprise correspondrait à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente. Sans changement, l’effectif de référence pour la tarification AT resterait celui de l’avant-dernière année (N–2).
Les catégories de personnes incluses dans l’effectif et les modalités de leur décompte seraient ajustées ultérieurement par décret. Selon l’étude d’impact, le décret à venir modifierait le code de la sécurité sociale afin d’exclure des effectifs les mandataires sociaux, alors qu’actuellement, les dirigeants affiliés de plein droit au régime général sont pris en compte dans l’effectif « sécurité sociale ».
Entrée en vigueur
Les nouvelles règles décrites ci-avant entreraient en vigueur le 1er janvier 2019, sauf pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés pour laquelle elles s’appliqueraient à compter du 1er janvier 2020.
Le mécanisme de franchissement impliquant un dépassement de seuil pendant 5 années consécutives ne s’appliquerait qu’aux entreprises qui ne sont pas encore assujetties au 1er janvier 2019 à l’obligation liée au seuil d’effectif en cause (au 1er janvier 2020 concernant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés).