Que dit la jurisprudence sur le temps de trajet entre les locaux d’un client et le domicile du salarié ; peut-il constituer du temps de travail effectif ?
La reconnaissance d’un temps de travail effectif est source de nombreux litiges. Illustration avec une affaire jugée le 3 juin 2020 par la Cour de cassation, dans laquelle un chauffeur-livreur réclamait en justice le paiement, comme temps de travail effectif, des temps de trajets effectués entre les locaux d’un client et son propre domicile avec un véhicule d’entreprise contenant des colis appartenant à ce dernier.
Le litige :
un trajet domicile-locaux d’un client, un véhicule d’entreprise et des colis appartenant au client.
Le salarié utilisait un véhicule d’entreprise contenant parfois des colis appartenant à un client pour effectuer des trajets entre les locaux de ce dernier et son propre domicile, souhaitait voir ce temps de trajet rémunéré comme temps de travail effectif.
En pratique, en fin de service, le chauffeur livreur regagnait son domicile dans le véhicule d’entreprise avec les colis qui n’avaient pas pu être distribués. Le lendemain, en partant de son domicile, il transportait les colis non délivrés la veille avant d’aller au dépôt de la société.
Le salarié a tenté d’obtenir gain de cause en invoquant un règlement européen, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de législation sociale dans le domaine des transports de la route (CE 2006-561 du 15 mars 2006, art. 9). Sans rentrer dans les détails de son argumentaire, précisons simplement que la Cour de cassation a rejeté cette demande au motif que le règlement ne s’appliquait pas au véhicule de transport léger conduit par le salarié.
Recadrage du litige :
la définition du temps de travail effectif en question
Toutefois, la Cour de cassation a relevé d’office un moyen de droit relatif à la définition du temps de travail effectif prévue par le code du travail, qui n’avait pas été soulevé par le requérant.
Pour mémoire, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (c. trav. art. L. 3121-1).
Pour la cour d’appel, la seule contrainte pour le salarié de transporter des colis lors du trajet entre son domicile et ses locaux de travail n’entraînait pas une obligation de se tenir à la disposition de l’employeur ni une impossibilité de vaquer librement à ses occupations personnelles. Les temps de trajets ainsi effectués par le salarié ne constituait donc pas du temps de travail effectif.
A tort, selon la Cour de Cassation qui souligne que le salarié devait utiliser, pour effectuer le trajet entre les locaux du client, de son employeur et son domicile, un véhicule de l’entreprise contenant parfois des colis appartenant à ce client.
Par conséquent, pour la Haute juridiction, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. L’affaire sera donc rejugée sur ce point.
Cass. soc. 3 juin 2020, n° 18-16920 D
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